https://letechobservateur.sn/
Gandiol – Sous l’aube et les livres : Chroniques d’une vie éclairée par les mots

Gandiol – Sous l’aube et les livres : Chroniques d’une vie éclairée par les mots

Je me suis toujours identifié à l’œuvre d’Abdoulaye Sadji, comme si cet écrivain, sans jamais me connaître, avait tracé un chemin pour moi à travers ses mots. Il écrivait avec une vérité qui résonnait profondément en moi, touchant les fibres les plus intimes de mon existence. Ousmane, Maimouna, Yaye Daro, ces personnages portaient des noms qui n’étaient pas étrangers à ma propre vie. Ils symbolisaient des parties de moi, des figures auxquelles je pouvais m’accrocher dans ma quête de sens.

Ousmane, c’était moi, ce jeune garçon de Gandiol, cherchant sa place dans un monde complexe. À travers lui, je me retrouvais, comme si Sadji avait su capter mes pensées, mes doutes, mes rêves. Maimouna, avec son nom partagé par ma grande sœur, incarnait une douceur et une force que je reconnaissais dans les femmes de ma famille, même si je savais que son destin dans le livre ne devait pas être pris en exemple. Et puis, il y avait Yaye Daro, ce nom qui résonnait avec tant de tendresse et d’amour dans les récits de Sadji. Pour moi, c’était aussi le surnom de ma mère, Fatimata Ka, cette femme qui, à l’image des héroïnes de Sadji, portait en elle une infinie bonté et un amour inconditionnel.

L’identification était si forte que chaque lecture d’une œuvre de Sadji devenait pour moi un voyage intérieur, une manière de comprendre ma propre vie à travers ses histoires. Mais c’était plus qu’une simple identification. C’était une rencontre entre deux âmes séparées par le temps et l’espace, mais connectées par une même sensibilité, une même quête d’authenticité.

C’est ainsi que, très jeune, je me suis plongé dans la littérature. Cette passion, nourrie par les récits de Sadji, m’a conduit à Saint-Louis, où mon amour pour les livres n’a fait que grandir. Logé chez Mamadou Ka, alias Oustas, je commençais à découvrir un monde plus vaste. Oustas, cet homme généreux et bienveillant, m’a pris par la main dès mon arrivée, m’a inscrit au collège, et m’a offert tout le soutien dont j’avais besoin pour m’épanouir dans mes études. Il me surnommait “Ben Laden”, un clin d’œil à ma première journée chez lui, un dimanche marqué par les bombardements en Irak, alors que l’Amérique ripostait aux attentats du 11 septembre. Ce surnom, bien que lourd de sens dans le contexte mondial, était pour nous une blague, un symbole de notre lien fraternel.

Saint-Louis était une ville pleine de promesses pour moi. C’est là que j’ai rencontré Diawara, mon professeur de français au CEM Abdoulaye Mar Diop. Diawara n’était pas un enseignant comme les autres. Il avait un don pour révéler la beauté des mots et pour faire naître en moi une passion profonde pour la littérature. Il m’a introduit à “Le Petit Prince” d’Antoine de Saint-Exupéry, un livre qui allait marquer ma vie. Dans ce récit, l’histoire du Petit Prince et du pilote perdu dans le désert me touchait particulièrement. Le désert, vaste et silencieux, était un lieu de réflexion, où les questions les plus essentielles de la vie prenaient tout leur sens. Cette conversation entre l’enfant et le pilote égaré résonnait en moi comme un écho lointain, une invitation à chercher les réponses au-delà des apparences.

C’est Diawara qui m’a aidé à sortir de ma coquille, à dépasser ma timidité. Il me faisait réciter des passages de livres devant mes camarades, non pas pour m’humilier, mais pour m’encourager à prendre confiance en moi. Il voyait en moi un potentiel que je n’avais pas encore pleinement découvert. Grâce à lui, j’ai appris à aimer la littérature non seulement comme un refuge, mais comme un outil puissant pour comprendre le monde qui m’entourait.

Mon amour pour les mots m’a conduit à fonder “Le club RFI de Saint-Louis”, ainsi que les journaux scolaires du lycée Charles de Gaulle et du lycée de Ngaye Méckhé. C’était ma manière d’exprimer cette passion débordante, de partager avec mes camarades cette soif de découvrir et de raconter des histoires. Chaque mot, chaque phrase, chaque article écrit représentait pour moi une manière de donner vie à mes idées, de rendre hommage à cette passion pour la littérature que mes mentors comme Diawara et Alpha Sy avaient éveillée en moi.

Alpha Sy, un grand écrivain et philosophe, avait également joué un rôle fondamental dans mon parcours. Il m’a enseigné que la littérature n’était pas seulement un art de raconter des histoires, mais un moyen de philosopher, de réfléchir en profondeur sur la condition humaine. Ses enseignements ont enrichi ma compréhension des textes et m’ont poussé à explorer des idées plus profondes sur la vie, la société, et mon propre rôle en tant que lecteur et écrivain.

La vie, comme elle le fait souvent, m’a éloigné de certains de ces mentors. Diawara et moi nous étions perdus de vue après mes études. Mais un jour, alors que j’animais la revue de presse quotidienne sur IRADIO, Diawara m’a reconnu à travers ma voix. Il m’avait écouté à la radio, et dans un élan de nostalgie, il m’a appelé. Ce fut une surprise émouvante, une véritable retrouvaille après tant d’années. Je suis allé le voir à Ngallèle, et nous avons partagé des souvenirs, des rires, et des discussions profondes sur la littérature, comme au bon vieux temps.

Hélas, comme souvent dans la vie, les retrouvailles ne sont qu’un prélude à des adieux inattendus. Un jour, sans prévenir, j’ai appris que Diawara était décédé. La nouvelle m’a frappé comme un coup de tonnerre. Son départ a laissé un vide immense, mais son influence continue de résonner en moi, à chaque mot que j’écris, à chaque histoire que je raconte.

Aujourd’hui, lorsque je repense à cette époque, je réalise à quel point l’œuvre d’Abdoulaye Sadji, les enseignements de Diawara et Alpha Sy, et le soutien de Mamadou Ka ont façonné l’homme que je suis devenu. Ces influences, ces mentors, ces amitiés, tous m’ont donné la force de croire en mes rêves, de poursuivre cette quête littéraire, et de partager avec le monde cette passion qui brûle en moi depuis l’enfance. Chaque lever de soleil, chaque aube naissante, porte en elle un rappel de cette lumière intérieure, de cette force invisible qui guide mes pas et nourrit mon amour pour la littérature et la vie.

5 1 vote
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
LETECHOBSERVATEUR Fond Blanc 445x180 Blanc

Toute l’actualité IT en direct de Dakar 

CONTACT
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x