À une semaine tout juste du lancement du “New Deal technologique” par le Président de la République, une question essentielle mérite d’être posée : quel rôle sera réellement, voire résolument accordé au numérique dans cette nouvelle dynamique ? Au-delà des discours et des engagements de principe, il est impératif d’apporter des mesures concrètes qui traduisent une véritable volonté politique en faveur du numérique. Car aujourd’hui, plus que jamais, la transformation digitale est au cœur du développement économique, social et culturel des nations.
Le Sénégal se trouve à la croisée des chemins du numérique et de l’innovation. Face aux immenses défis et opportunités que représentent l’intelligence artificielle, la cybersécurité, la transformation digitale des services publics, l’inclusion financière et le développement des infrastructures technologiques, il est urgent que notre pays adopte une gouvernance à la hauteur des enjeux. Il ne s’agit pas seulement d’adopter des stratégies ambitieuses sur le papier, mais bien de garantir leur mise en œuvre effective à travers une institution forte, dédiée et dotée des moyens nécessaires.
Actuellement, le numérique est sous la tutelle d’un ministère dont la dénomination intègre également la Communication, qui, à elle seule, est un domaine à part. Cette configuration, loin d’être optimale, dilue les efforts et freine l’impact des politiques publiques. Gérer un Ministère du Numérique exige une implication totale, une vision prospective et une capacité à anticiper les mutations rapides du secteur. Il ne peut plus être un simple appendice administratif d’un ministère à la charge élargie et aux priorités souvent divergentes. Le numérique ne doit plus être logé dans un portefeuille aux compétences éclatées, mais placé au cœur des priorités gouvernementales.
Pendant que la France, la Chine et les États-Unis s’affrontent pour la suprématie en matière d’intelligence artificielle et de technologies avancées – je reviens tout juste du Sommet mondial pour l’action sur l’IA que la France d’Emmanuel Macron a réussi d’une main de maitre -, le Sénégal semble avoir de la peine à définir un cadre institutionnel adapté à ces défis stratégiques. À titre d’exemple, la Chine investit massivement dans l’intelligence artificielle et les infrastructures numériques, avec des politiques publiques coordonnées et une vision claire sur les prochaines décennies. De son côté, l’Estonie, souvent citée en exemple, a su mettre en place un écosystème numérique performant en centralisant la gouvernance du digital à travers un ministère dédié. On peut me rétorquer que certains pays ont ajouté d’autres départements ministériels aux dénominations intégrant le numérique, mais je pense qu’ils peuvent bien se le permettre compte des énormes avancées déjà réalisées. Ce n’est pas le cas du Sénégal qui doit plus que jamais se concentrer sur l’essentiel. L’heure n’est donc plus aux intitulés de ministères à rallonge qui traduisent des lourdeurs administratives et freinent l’exécution des politiques publiques. L’heure est à l’action concrète et efficace, ici et maintenant.
En perspective de la présidentielle, j’avais plaidé dans un post LinkedIn pour un ministère dont la dénomination refléterait pleinement l’ambition du Sénégal dans le domaine du numérique. Aujourd’hui, force est de constater que les télécommunications sont déjà intrinsèquement liées au numérique, et qu’un portefeuille ministériel indépendant consacré à ce secteur stratégique serait un choix judicieux. Un ministère du Numérique pleinement dédié permettrait d’assurer une coordination efficace des politiques publiques, d’attirer davantage d’investissements étrangers dans la tech et d’encourager un climat favorable à l’innovation. Un département exclusivement consacré au numérique, détaché des préoccupations de la communication, serait dès lors un signal fort de la volonté du gouvernement de répondre aux exigences de la transformation digitale.
En Afrique, certains pays ont déjà pris cette orientation avec succès. Le Bénin, par exemple, a compris très tôt l’importance de doter le numérique d’un ministère propre, avec des résultats impressionnants obtenus sans tambour ni trompette. Grâce à des politiques publiques ciblées, le pays a considérablement avancé en matière de digitalisation des services publics, de e-gouvernance et d’innovation technologique. La Côte d’Ivoire suit une démarche similaire, mettant en avant l’importance du numérique dans son économie et son administration.
Je serais convaincu de la détermination des nouvelles autorités le jour où un ministère pleinement dédié au digital verra le jour. Ce département doit être un super ministère, doté d’un budget conséquent et d’une feuille de route claire. Le digital n’est pas une mode, c’est la tendance lourde du moment et de toujours. Il faut l’implémenter partout, suivre rigoureusement son exécution, rechercher des partenariats stratégiques pour maximiser son impact, et surtout en faire un moteur essentiel de notre croissance économique.
En perspective du grand rendez-vous du 24 février, j’interpelle le Président de la République : ce “New Deal” doit avant tout être un engagement fort, à mon humble et provisoire avis, pour une mise en œuvre efficace des stratégies numériques. Il doit donner au numérique la place qu’il mérite dans notre développement et accorder une reconnaissance pleine et entière à notre secteur privé numérique et à nos startups. Ce “New Deal” doit résonner avec rigueur, exigence et ambition, pour que le Sénégal ne rate pas le tournant du futur. Il est temps de passer des discours aux actes, et cela commence par la création d’un véritable Ministère du Numérique, indépendant et puissant, au service de l’innovation et du progrès.