Sous les premières lueurs du jour à Gandiol, lorsque la brume matinale se dissipe pour révéler les champs verdoyants, je me laisse emporter par des pensées qui m’évoquent un autre lieu, lointain et pourtant si présent dans mon esprit : Tindican, le village natal de Camara Laye. Ce village, que je n’ai jamais visité, est devenu un refuge pour mon imaginaire, un endroit où la vie simple et les traditions ancestrales se rencontrent dans une harmonie parfaite. Les mots de Camara Laye ont fait de Tindican une partie de moi, une terre où mon esprit vagabonde, comme s’il y avait toujours appartenu.
Tindican, avec ses cases rondes et ses chemins de terre, m’a fasciné dès mes premières lectures. Même sans y avoir mis les pieds, j’ai souvent imaginé la vie là-bas, comme si chaque mot de l’auteur me rapprochait un peu plus de cette terre lointaine. J’aimais donner l’heure à Tindican à la radio, comme pour tisser un lien invisible entre mon Gandiol et ce village rêvé.
Mon Gandiol natal, avec ses paysages verdoyants après les pluies, ses troupeaux qui paissent librement, et les enfants qui jouent sous les arbres, me rappelle cette même communion avec la nature que l’on retrouve à Tindican. Ici, l’hivernage transforme la terre en une mosaïque de vie, où chaque brin d’herbe, chaque animal, chaque rire d’enfant devient un symbole de la beauté et de la fertilité de la nature.
Mais c’est aussi dans le silence de la nuit au village que je retrouvais cette même connexion profonde. Lorsque minuit sonnait et que la fraîcheur de la terre commençait à monter, sous un ciel lumineux parsemé d’étoiles, je sentais une paix intérieure, un lien intime avec la terre. Ce silence, seulement brisé par le souffle léger du vent, m’apportait un sentiment de sérénité et de continuité avec le monde naturel, semblable à celui que Camara Laye décrivait si bien.
Camara Laye a laissé une empreinte indélébile sur ma scolarité. L’Enfant noir n’était pas simplement un livre pour moi, c’était un miroir, un reflet de mes propres racines, de mes propres aspirations. Les mots de Laye m’ont appris à apprécier la beauté de la simplicité, à trouver la richesse dans les histoires de nos ancêtres, et à embrasser avec fierté ma culture.
Même si je n’ai jamais habité dans des cases comme celles de Tindican, ni vécu avec un serpent sacré veillant près de moi, chaque page du livre de Camara Laye m’a transporté dans ce monde, m’a fait sentir cette connexion profonde avec la terre, les traditions, et les espoirs d’une vie guidée par les mots et la mémoire. Aujourd’hui, alors que l’hivernage enveloppe Gandiol de sa splendeur, je ressens cette même magie, cette même sérénité qui me relie à Tindican, ce village qui, par la force des mots, est devenu aussi familier et cher que mon propre Gandiol.