Formé tour à tour à l’Université de Yaoundé 1, à l’Université de Buea et à la Cape Peninsula University of Technology (CPUT/F’SATI) de l’Afrique du Sud, Ifriky Tadadjeu est un authentique fils de l’Afrique. Convaincu que le continent doit se construire une souveraineté dans le géospatial, le jeune Camerounais, titulaire d’un doctorat dans ce domaine, a créé, en septembre 2021, une société de conception de missions et de systèmes spatiaux. L’intelligence des données satellitaires et la formation sont au cœur de l’activité de Nanosatellite Missions Design LTD, avec un impact certain sur la santé, l’agriculture, la sécurité, entre autres. Ce passionné de musique veut tout mettre en harmonie, après un parcours difficile, mais plus que jamais inspirant pour des millions de jeunes à travers l’Afrique.
Avec un père professeur d’Université et une maman enseignant l’Anglais, Ifriky Tadadjeu avait toutes les chances de finir sa vie, craie à la main. S’il n’a pas eu ce destin, il n’en est pas si éloigné, non plus. A défaut d’exercer la même profession que ses parents, le garçon opte pour un long parcours scolaire et académique. Du lycée bilingue d’Etoug-Ebe à l’Université de Buea, puis la Cape Peninsula University of Technology et le Centre Spatial Universitaire de Montpellier, il apprit à grimper les échelons avec courage et détermination. “Si tu sais préserver ton mental, tu deviens chanceux. Sinon, c’est fini pour toi. Il n’y pas un problème qui ne va pas nécessiter ton mental. Il faudra beaucoup réfléchir pour se sortir des situations de la vie“, commente cet habitant de Douala, originaire de Dschang et ayant grandi à Yaoundé, dont le cursus universitaire n’a pas été si simple. Avec des moyens modestes, Ifriky décide de se rendre en Afrique du Sud pour y poursuivre ses études. Sorti Docteur en Electrical Engineering avec un focus sur le Satellite Systems Engineering, le trentenaire arrive aujourd’hui à percer dans un secteur aussi stratégique que vital pour le continent.
La rencontre avec le spatial
Très doué en Physique, en Chimie et en Biologie pendant ses années de lycée, au Cameroun, Ifriky Tadadjeu n’a jamais imaginé un jour se spécialiser dans le spatial. “Quand je suis allé en Afrique du Sud, ma famille n’a pu couvrir qu’une partie de la pension. Il fallait que je trouve les moyens de me financer. Je me suis mis à chercher du boulot ici et là. J’ai été commercial dans une salle de fitness. Je me suis aussi mis à chercher des financements pour le futur. Je me suis rendu à University of Cape Town. Je tombe par hasard sur le Chef de département d’Electrical Engineering. Je lui explique le sens de ma préoccupation. Il désigne un couloir et me demande d’aller toquer les portes des enseignants. Il me dit tout de suite « vas-y ! Il faut frapper à toutes les portes. Pas de gêne ! Ce sont juste des êtres humains. Rien ne va t’arriver. Effectivement les portes se sont ouvertes et derrière, des Professeurs ayant accès à beaucoup de financement et nombre de bonnes volontés. Malheureusement, les ressources disponibles étaient destinées à financer les locaux et je n’étais pas Sud-africain“, se souvient le fondateur et Directeur général de la société Nanosatellite Missions Design LTD. Seulement, l’homme est très ambitieux pour laisser tomber. “Pendant que je complétais mon Bachelor of Technology, le programme spatial a commencé et mes camarades recevaient des courriels pour s’inscrire. N’en recevant pas moi-même, j’ai repris l’expérience de l’Université de Cape Town et je suis allé frapper à la porte du dirigeant du programme spatial pour exprimer mon intérêt. Un, voire deux mois, plus tard, j’ai reçu le financement ! Un financement de mon année en cours, de mon Master et de mon Doctorat. Je reste dans le spatial car je me dis en ce moment-là que le spatial figurait parmi les choses les plus intrigantes. C’était loin d’être dicté par un plan de carrière“, se souvient encore celui qui dit offre également des solutions de connectivité dans les zones rurales à l’aide du satellite. Là-dessus, le jeune Camerounais ne manque pas d’enthousiasme, quant à la poursuite de ces missions, avec des retours très positifs de la clientèle.
Une souveraineté non négociable pour l’Afrique
Si l’Afrique n’a pas encore envoyé d’hommes sur la lune, même avec d’éminents et d’illustres noms et visages à la NASA et dans d’autres structures internationales, elle doit tout de même accorder une attention particulière à ce secteur. Quand le patron de Nanosatellite Missions Design LTD, c’est en connaissance de cause. Avec sa société spécialisée dans les missions nano-satellites basée au Cameroun, Ifriky est bien placé pour savoir que c’est un domaine bien spécial et qui peut beaucoup apporter à son pays et au reste du continent. “Imagine un jour que les partenaires étrangers décident que tous ceux qui exploitent la donnée satellitaire en Afrique n’y ont plus droit pour différentes raisons. On sait très bien que les pays africains consomment la donnée spatiale pour les besoins les plus stratégiques, mais ne sont pas tous propriétaires de ces satellites. C’est une dépendance grave. Que ferions-nous sans ces pays qui nous connectent ? Nous sommes obligés de travailler à acquérir une certaine souveraineté dans le spatial. Ce n’est plus une option”, sensibilise-t-il.
La passion de la musique
Comme pour harmoniser son statut de terrien avec son attachement à l’espace, le Camerounais s’est pris d’une folle passion pour la musique. D’amateur, il devient un véritable professionnel de l’art, au point de faire parler de lui à l’international. “J’ai croisé le chemin de la musique en classe de 4e. J’ai un ami qui allait en Afrique du Sud et qui, pendant qu’on était au Lycée, s’y retrouvait dans le cadre du Commonwealth. Il est revenu avec une petite radio avec cassette et micro. Il venait en classe avec et je trouve que c’était très amusant. Pendant la pause, on s’amusait beaucoup. Un jour, je lui ai emprunté cet outil et j’ai commencé à chanter. C’était très cool“. “Et quand j’ai levé la tête, j’ai vu que tout le monde me regardait. Les camarades m’ont demandé de poursuivre parce qu’ils le trouvaient excellent. Je faisais la catéchèse chez des sœurs religieuses non loin de la maison familiale. Un jour elles nous ont demandé de prendre un engagement à l’église. J’étais confus. Je ne savais pas ce qu’il fallait mettre sur le papier comme engagement. Une amie m’a demandé d’intégrer la Chorale. C’est une aventure qui ne s’est plus arrêtée. Plus tard, je deviens l’un des ténors clés du groupe. J’apprends à lire et écrire la musique. J’apprends à composer et à diriger un chœur. Je deviens même l’un des assistants-maitres de chœur. A l’Université de Buea, je suis choisi dans l’équipe technique de la Chorale universitaire“, conclut l’ancien pensionnaire de la Cape peninsula university of technology de l’Afrique du Sud qui aujourd’hui a chanté dans plusieurs pays sur des grandes scènes de spectacle et d’opéra et continue d’enregistrer des œuvres musicales originales.