C’est un Antoine Ngom lucide et déterminé qui a ouvert la huitième édition du Salon International des Professionnels de l’Économie Numérique. Devant une salle comble, le président de l’Organisation des Professionnels des TIC a dressé un constat sans détour : le secteur privé du numérique sénégalais traverse une période de tension et d’incertitude.
“Nos entreprises souffrent d’une dette intérieure persistante, d’une rareté des marchés publics et d’une fiscalité jugée pesante”, a déclaré la voix du secteur privé numérique devant le Ministre en charge du secteur. Les nouvelles taxes, notamment la Redevance sur l’Utilisation des Télécommunications (RUTEL) ou celles appliquées aux transferts et paiements, fragilisent davantage les acteurs locaux. Pour lui, cette pression fiscale compromet la compétitivité, freine l’investissement et menace l’inclusion numérique, à un moment où le pays veut justement accélérer sa transformation digitale.
Un appel fort à la concertation et à une fiscalité adaptée
Le président d’OPTIC a plaidé pour une réforme fiscale adaptée à l’économie digitale, tenant compte des spécificités du secteur et garantissant une équité entre les entreprises locales et les géants internationaux. Il a également insisté sur la nécessité de plus de concertation entre l’État et le secteur privé en amont des grandes décisions économiques et réglementaires. “Nous devons être associés aux décisions qui engagent notre avenir commun”, a-t-il lancé à Alioune Sall.
Tout en soulignant les difficultés, le patron d’OPTIC a salué les efforts récents du Gouvernement, notamment le nouveau Code des Investissements, la digitalisation de la commande publique et la modernisation des finances de l’État. Il a enfin mis en avant le projet d’identité numérique fondamentale, qu’il considère comme un pilier de la future architecture de l’État plateforme et un accélérateur du New Deal Technologique.
SIPEN 2025 : un tournant stratégique pour la souveraineté numérique
Organisée autour du thème “Maîtriser nos données pour construire un futur numérique souverain et compétitif”, cette édition 2025 du SIPEN marque un tournant. Pour la première fois, le Ministère du Numérique et OPTIC ont coorganisé l’événement, dans un esprit de partenariat et de co-construction. Cette alliance symbolise la maturité d’un écosystème numérique qui aspire à bâtir un Sénégal fort, inclusif et souverain.
Le SIPEN 2025 s’inscrit dans le sillage du New Deal Technologique et de l’Agenda Sénégal 2050, deux cadres stratégiques qui visent à faire du numérique le moteur d’une économie souveraine et compétitive. La thématique choisie, centrée sur la maîtrise des données, s’impose comme un enjeu national et continental.
La donnée, nouvel actif stratégique du continent africain
À l’heure où la donnée est devenue un actif stratégique, les États africains sont appelés à repenser leurs modèles de gouvernance, de sécurisation et de valorisation. La souveraineté numérique ne se résume plus à l’accès aux technologies : elle repose sur la capacité à produire, héberger et exploiter la donnée au service du développement.
Pendant deux jours, les échanges vont s’articuler autour de plusieurs panels denses et structurants. Le panel inaugural a ouvert la réflexion sur la donnée comme levier de souveraineté et de compétitivité.
Des panels pour structurer la réflexion nationale sur la donnée
Le premier panel, consacré à la gouvernance des données à l’épreuve du New Deal Technologique, a permis de dresser un état des lieux des initiatives publiques et privées, tout en identifiant les défis juridiques, éthiques et économiques liés à la maîtrise de la donnée. Le deuxième panel, qui va ouvrir la seconde journée, va se pencher sur la production et l’ouverture des données, en interrogeant la possibilité de bâtir des modèles africains souverains, fondés sur la mutualisation et l’innovation locale.
Le troisième panel devrait porter sur la maîtrise des infrastructures et des technologies émergentes, telles que le cloud, l’intelligence artificielle, la blockchain et l’Internet des objets. Ces outils, désormais incontournables, sont au cœur de la stratégie de valorisation des données et de la compétitivité nationale.
L’humain au cœur de la souveraineté numérique
Enfin, le dernier panel va interroger le rôle du capital humain et de l’inclusion numérique, en insistant sur la formation, la recherche et l’innovation comme conditions essentielles d’une souveraineté durable.
En clôture de la cérémonie d’ouverture, le ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique a livré un discours dense, empreint de lucidité et de vision. Monsieur Sall a salué la coorganisation exemplaire entre l’État et le secteur privé, soulignant que le SIPEN est devenu, au fil des années, le cœur battant de l’écosystème digital du Sénégal et de l’Afrique de l’Ouest.
Un ministre en phase avec les ambitions du New Deal Technologique
L’ancien cadre du Français SFR a replacé cette édition dans un contexte de bascule : le New Deal Technologique entre désormais dans sa phase d’exécution. Porté par la vision du président Bassirou Diomaye Faye, ce programme vise à faire du numérique un instrument de souveraineté, de compétitivité et d’inclusion sociale. Il a rappelé que le monde vit désormais une compétition silencieuse mais décisive autour de la donnée, devenue “le nouveau pétrole du XXIᵉ siècle”.
Celui qui la maîtrise, a-t-il dit, “maîtrise une part essentielle de notre présent et de notre avenir”. La maîtrise des données, selon lui, n’est pas une option, mais un acte de souveraineté fondamentale. Elle conditionne la sécurité de l’espace numérique national, la protection de la vie privée des citoyens, la création de valeur économique locale et la transformation de l’action publique par la donnée.
Une gouvernance éthique et transparente pour la donnée nationale
Le ministre a insisté sur la mise en place d’une gouvernance responsable, éthique et transparente de la donnée, et sur la nécessité pour l’État de jouer un rôle de stratège et de facilitateur. Il a également promis de rester attentif aux recommandations issues du SIPEN et de veiller à leur intégration dans les politiques publiques.
Dans un ton à la fois ferme et inspirant, il a conclu : “En maîtrisant nos données, nous ne protégeons pas seulement des octets. Nous préservons notre droit à l’autodétermination. En bâtissant un futur numérique souverain, nous édifions un Sénégal debout, fier et maître de ses choix”.
Une convergence rare entre lucidité économique et ambition politique
Entre le plaidoyer d’Antoine Ngom et la vision du ministre, le SIPEN 2025 a offert une convergence rare entre lucidité économique et ambition politique. Tous deux partagent la conviction que le numérique est désormais le nerf de la guerre économique et le socle d’une souveraineté retrouvée.
Au-delà des discours, l’enjeu est désormais celui de l’exécution : transformer les promesses en projets concrets, faire des données un actif national et traduire la collaboration État–secteur privé en résultats tangibles. Le message du SIPEN 2025 est clair : la souveraineté numérique du Sénégal se construira par la donnée, la confiance et l’action collective.
Crédit Photo : Ministère du Numérique