Au lendemain de la prestigieuse décoration de son équipe par le président de la République, Gayane Faye nous ouvre les portes d’une aventure hors du commun dans une interview exclusive pour Le Tech Observateur. L’enseignant-Chercheur et Directeur du Laboratoire de Télédétection Appliquée revient sur les nombreux rebondissements qui ont marqué ce projet historique, des reports de dernière minute aux États-Unis, en passant par l’incertitude totale qui a plané jusqu’à la toute dernière seconde avant le lancement. Monsieur Faye raconte la course effrénée pour sauver le satellite d’une faillite surprise de leur partenaire américain et les montagnes russes émotionnelles avant le décollage final.
Aujourd’hui, malgré ces obstacles, le satellite est en orbite, et l’équipe s’apprête à entrer dans une nouvelle phase passionnante : l’exploitation des données collectées. Une aventure inspirante qui témoigne de la persévérance et de l’audace, portée par une équipe de jeunes talents déterminés à écrire l’avenir technologique du pays.
Le Tech Observateur : Encore une fois, merci pour votre disponibilité. Que représente cette décoration pour vous et pour toute votre équipe ?
Gayane Faye : Merci beaucoup. C’est toujours un plaisir de partager autour de ce projet avec vous. Cette décoration est un immense honneur, une grande fierté pour nous tous, et cela pour plusieurs raisons. Au début, nous étions dans des conditions extrêmement difficiles, et peu de gens croyaient en notre réussite. Nous avons surmonté de nombreux obstacles pour finalement en arriver là, et c’est une source de satisfaction incroyable. Le fait que le président de la République ait pris la peine de venir nous rendre visite personnellement, et en plus, nous décorer, c’est une reconnaissance inestimable. Il a même affirmé que toute la République est fière de nous, et c’est un moment que je n’oublierai jamais. Cela donne également un coup de pouce à tous ceux qui ont travaillé à mes côtés et encourage la jeunesse dans les lycées, les écoles et les universités. Le message est clair. C’est comme si on disait à tous ces jeunes du Sénégal : « Travaillez dur, croyez en vos rêves, et vous pourrez atteindre de tels sommets ». Pour nous, être reconnus par la République est une source de fierté immense et une bénédiction. J’en rends grâce à Dieu.
Le Tech Observateur : Parlez-nous un peu de votre équipe. Qui sont ces jeunes talents qui vous accompagnent ? Quel est leur parcours ?
Gayane Faye : La construction de l’équipe a débuté en 2019. À l’époque, il y avait des personnes clés, souvent méconnues du public, qui nous ont grandement aidés. Je parle du comité technique composé d’enseignants-chercheurs de diverses universités qui m’ont soutenu dès le départ. Ensuite, nous avons collaboré avec un partenaire expérimenté pour identifier les profils nécessaires afin de couvrir un large spectre de compétences. Aujourd’hui, notre équipe est riche en expertises diverses : télécommunications, aérospatial, mécanique, électronique, systèmes embarqués et radiofréquence. Ces ingénieurs sont issus des meilleures écoles du Sénégal : l’ESP de l’UCAD, l’EPT de Thiès, et l’IPSL de l’UGB de Saint-Louis. Ils ont tous suivi des formations pointues, allant de l’aérospatial à l’informatique, en passant par la mécanique. Ce sont ces compétences variées, cette multidisciplinarité, qui nous ont permis de faire face aux défis de ce projet ambitieux.
Le Tech Observateur : Pouvez-vous nous faire entrer dans les coulisses de la préparation de ce lancement ? Il semble que cela n’a pas été de tout repos !
Gayane Faye : Effectivement, ce lancement a été une véritable épopée. Après avoir reçu le satellite en décembre, je l’ai emmené aux États-Unis en janvier pour l’intégrer dans un déployeur à San Francisco. Deux jours plus tard, catastrophe : la société qui nous accompagnait a été déclarée en faillite. Il fallait rapidement récupérer le satellite avant que les autorités américaines ne prennent possession des locaux. Ce fut une course contre la montre !
Le lancement initial, prévu en mars, a dû être annulé. Nous avons dû trouver un autre déployeur pour un lancement en juin. Puis, nouveau report en juillet, puis en août, à quelques jours du lancement. À chaque fois, c’était une déception terrible. Finalement, nous avons décidé de ne pas communiquer avant d’avoir la certitude que le satellite était bel et bien en orbite. Le jour où tout s’est bien passé, ce fut un soulagement et une grande fête pour nous tous.
Le Tech Observateur : Maintenant que le satellite est en orbite, quelle est la prochaine étape pour vous ?
Gayane Faye : En réalité, le vrai travail commence maintenant. Fabriquer et lancer le satellite, c’était une étape, mais il faut désormais exploiter les données qu’il va collecter. C’est là que les choses deviennent passionnantes et complexes. Trois heures après la mise en orbite, nous avons pu établir une connexion avec le satellite, et la qualité du signal était impeccable. C’est extrêmement encourageant, car sur 100 petits satellites lancés, seuls environ 10 % fonctionnent correctement.
Nous avons déjà mis en place un centre de contrôle et de réception des données qui est pleinement opérationnel. Une équipe suit le satellite en permanence. Nous devons maintenant paramétrer les balises au sol, valider ces balises, et commencer à récolter les données. Il faudra aussi créer des plateformes pour que les utilisateurs puissent accéder aux informations. Un immense chantier nous attend, mais c’est excitant !
Le Tech Observateur : Quelle est la durée de vie d’un tel satellite ?
Gayane Faye : La durée de vie d’un petit satellite, comme ceux en orbite basse terrestre (entre 300 et 2.000 km), varie principalement en fonction de l’altitude et de la résistance atmosphérique. À ces altitudes, même une légère présence de particules atmosphériques finit par ralentir le satellite, réduisant son altitude progressivement. Ce processus peut durer entre deux et cinq ans, selon la hauteur initiale. Plus le satellite est proche de la Terre, plus la traînée atmosphérique sera importante et plus sa durée de vie sera courte.
Outre l’altitude, la conception du satellite joue aussi un rôle clé : la durabilité des batteries, des panneaux solaires et d’autres systèmes embarqués peut influencer la longévité opérationnelle de la mission. Une fois que le satellite atteint la fin de sa vie, les normes internationales exigent qu’il se désintègre en rentrant dans l’atmosphère pour éviter de créer des débris spatiaux. Cela se produit naturellement pour les satellites en orbite basse, car ils finissent par être tirés vers la Terre et se désintègrent lors de la rentrée.
Le Tech Observateur : Merci beaucoup, Gayane Faye, et encore toutes nos félicitations pour cette réussite !