Juriste spécialisé en protection des données personnelles et auteur du livre “La protection des données personnelles en Afrique”, Dr Mohamadou Lô a lancé un cri d’alarme lors du panel sur la gouvernance des données tenu dans le cadre de la 8ᵉ édition du SIPEN, ce jeudi à Dakar. Face à la multiplication des cyberattaques au Sénégal, il dénonce une législation sénégalaise dépassée et un silence institutionnalisé qui fragilise tout l’écosystème numérique national.
“Aujourd’hui, la loi sénégalaise est muette en matière d’information des personnes en cas d’attaque. Ni les autorités ni les citoyens concernés ne sont obligés d’être informés”, déplore-t-il.
Selon l’ancien Président de la Commission de protection des Données Personnelles, la législation actuelle présente un manque majeur : aucune disposition n’impose aux responsables des systèmes d’information victimes d’attaque d’en informer l’autorité de protection des données personnelles, encore moins les personnes concernées. “il faut corriger ce manquement très rapidement”, insiste-t-il.
Mais au-delà de l’absence de cadre légal, c’est la culture du silence qui inquiète le plus l’expert. “Dans notre pays, beaucoup d’attaques se produisent, mais personne n’en parle. Chacun tente de régler le problème discrètement, entre quatre murs”.
Une attitude qui, selon lui, aggrave la situation : “Le danger est multiple. Les personnes concernées ignorent le degré de gravité de l’attaque, et en cherchant à tout régler en interne, on empêche les experts sénégalais de contribuer à une réponse efficace”.
Dr Lô alerte surtout sur les risques systémiques que ces silences font peser sur l’État. “Une cyberattaque, c’est une porte dérobée vers d’autres systèmes d’information. Ce n’est pas seulement l’entité attaquée qui est en danger, mais tout le pays”.
C’est pourquoi il appelle à une véritable transparence et à une réponse collective : “Informer, c’est permettre une réaction rigoureuse et rapide. C’est ainsi que les autres pays parviennent à contenir les menaces”, prévient le juriste.
Enfin, l’ancien Secrétaire général de Sénégal Numérique S.A plaide pour une réforme urgente du cadre législatif sénégalais, devenu obsolète face aux nouvelles réalités du numérique. “La loi de 2008 est dépassée. Il faut que l’État accélère l’adoption de nouveaux textes capables de répondre aux défis contemporains de la cybersécurité et de la protection des données”.
Un message clair, porté par un juriste qui croit profondément que la transparence et la réforme sont les premières lignes de défense du Sénégal numérique.