Un jour, à Dakar, après un déjeuner banal dans un restaurant de quartier, Ibrahima Kane tend sa carte bancaire pour payer. Mais on lui oppose une réponse désarmante : “On n’accepte pas les cartes pour les petits montants”. Pour n’importe qui, cela aurait été une frustration de plus. Pour lui, ce fut un déclencheur.
Né à Thiès, formé à Fès, Washington et Baltimore, médecin de profession, diplômé de George Washington University en santé publique et de Johns Hopkins en administration des affaires, Dr Kane n’est pas du genre à baisser les bras devant une limite. Il réfléchit, conçoit, et finit par lancer Kalpay : une alternative simple, rapide et locale aux mastodontes du paiement international comme VISA et Mastercard.
Sa solution ? Le QR Code. Un simple bout de papier à scanner, sans terminal, sans commission étrangère, sans friction. L’utilisateur voit immédiatement le nom et la photo du marchand, et procède au paiement en quelques secondes. Derrière ce geste simplifié, une ambition immense : digitaliser les paiements marchands au Sénégal, où le cash règne encore en maître, et faire de l’inclusion financière une réalité palpable.
En quelques mois, Kalpay séduit des milliers de commerçants. Partenariats avec Wizall, InTouch, expansion prévue en Côte d’Ivoire, au Togo, jusqu’en Ouganda, où il négocie même une prise de participation dans une banque. Il rêve grand, bâtit vite, inspire fort. Il veut une banque mobile africaine, conçue depuis l’Afrique, pour les réalités africaines.
Mais voilà… depuis quelque temps, plus rien.
Le nom d’Ibrahima Kane a disparu du radar. Plus d’interviews, plus de pitchs, plus d’apparitions dans les forums tech, ni à Dakar, ni ailleurs. Le pionnier du QR Code s’est volatilisé. Silence radio. Absence totale.
Que s’est-il passé ? Recul stratégique ? Fatigue ? Repositionnement ? Personne ne sait vraiment. Ce qu’on sait, c’est que l’écosystème ne l’a pas oublié. Lui, le médecin devenu startuper. Lui, l’enfant de Thiès qui rêvait d’inclusion, pas seulement financière, mais aussi sanitaire. Car au-delà de Kalpay, Dr Kane voulait aussi réformer la santé au Sénégal, en s’appuyant sur sa double casquette de praticien et de gestionnaire.
Ibrahima, si tu lis ces lignes, sache que ton silence est assourdissant. Ton absence creuse un vide. Et ton nom, lui, circule encore, entre admiration, interrogation et nostalgie.
Le Sénégal numérique n’a pas effacé ta trace. Et nous, dans cette rubrique qui traque les éclipses, on t’attend encore.
