Le mercredi 16 juillet 2025, le King Fahd Palace de Dakar a accueilli un atelier national aussi stratégique qu’innovant : la co-création du projet DAKFLOW, porté par Senegal Flying Labs en collaboration avec le laboratoire LUTS de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) et l’organisation internationale WeRobotics. Une journée dense, ouverte par une cérémonie officielle et rythmée par des présentations techniques, des sessions de travail thématique et des discussions riches avec les acteurs clés du secteur des transports.
Derrière ce nom évocateur, contraction de « Dakar » et « flow », se dessine une ambition claire : moderniser la manière dont les flux de mobilité sont observés, analysés et gouvernés dans la capitale sénégalaise. Grâce à des technologies de pointe telles que les drones, la géodonnée et l’intelligence artificielle, DAKFLOW veut offrir aux décideurs publics et aux collectivités des outils concrets pour mieux planifier, réguler et anticiper les déplacements urbains.
Une alliance scientifique, internationale et locale pour une mobilité intelligente
Le projet repose sur une coopération triangulaire inédite : l’expertise académique du Laboratoire LUTS de l’EPFL, représentée par Jasso Espadaler Clapés et Emmanouil Manos Barmpounakis, l’organisation internationale WeRobotics, représentée par Ndeye Maty Diop ; ainsi que l’ancrage local assuré par Senegal Flying Labs et toute son équipe, avec le soutien de l’expert en mobilité Ousseynou Dione. Cette alliance reflète une complémentarité rare entre recherche, opérationnalité et ancrage territorial. Elle vise à produire une solution évolutive, accessible, maîtrisée localement, et pleinement adaptée au contexte sénégalais.
Le parrain Ousmane Thiam : « L’Afrique doit faire de ses défis un levier d’innovation »
L’atelier a été ouvert par une série d’allocutions protocolaires, notamment celle du Dr-Ingénieur Ousmane Thiam, parrain de l’événement. Ancien président de l’assemblée plénière du CETUD, président honoraire de l’Union Internationale des Transports Publics (UITP) et de l’Union Africaine des Transports Publics (UATP), Dr Thiam est une figure tutélaire du secteur en Afrique. Il a salué l’émergence d’initiatives comme DAKFLOW, portées depuis l’Afrique, conçues par ses talents et répondant à ses réalités. À ses yeux, le numérique n’est plus un luxe. Il est devenu un levier stratégique pour bâtir une gouvernance urbaine moderne, intelligente et souveraine.
Des drones à la place des fiches : une révolution des usages déjà en marche
RADJI Tiamiyou directeur de Senegal Flying Labs, a présenté les contours du projet. DAKFLOW, selon lui, n’est pas une solution de plus, mais une réponse concrète aux limites des approches traditionnelles : coûts élevés, complexité, opacité, faible réplicabilité. À partir d’un questionnement simple – « Quelles données collectez-vous ? Quels outils utilisez-vous ? Quelles limites rencontrez-vous ? » – DAKFLOW entend proposer un dispositif fiable, automatisé, interopérable et ouvert. Un des enjeux clés reste de briser les silos. Car aujourd’hui encore, les données sont fragmentées, non partagées, parfois perdues. Le projet milite pour une culture de la mutualisation, où chaque acteur – public, privé ou académique – contribue et bénéficie d’un socle commun d’informations.
Retour d’expérience : Nairobi comme tremplin, Dakar comme exemple
Dans son intervention, Jassou Espadaler a partagé l’expérience d’un projet pilote mené à Nairobi, au Kenya, réalisé en collaboration entre EPFL LUTS, WeRobotics et Kenya Flying Labs. Ce pilote, couronné de succès, a permis de récolter des données de haute qualité en centre-ville grâce aux drones, ouvrant la voie à une réflexion plus globale sur la gouvernance de la mobilité. À Dakar, cette dynamique trouve un écho particulier. Pour Espadaler, la présence d’un acteur local solide comme Senegal Flying Labs a été déterminante dans le choix du Sénégal comme terrain d’expérimentation.
Experts sénégalais et africains : la parole à l’expérience du terrain
L’atelier a permis de recueillir des retours précieux du terrain. Ousseynou Dione, consultant en mobilité ayant travaillé à Dakar, Kinshasa et Mbour, a insisté sur la nécessité de quitter les méthodes obsolètes, basées sur des fiches papier, au profit de technologies plus précises et évolutives. Il a salué la vision du projet DAKFLOW, en parfaite résonance avec les orientations du New Deal Technologique prôné par l’État du Sénégal. Il a aussi souligné l’urgence de renforcer les formations locales, à l’image du Master en Mobilité Numérique co-porté par le CETUD, l’École Polytechnique de Thiès et plusieurs écoles d’ingénieurs.
Convaincre plutôt qu’imposer : le pari d’une adoption douce et participative
La question de l’adoption – ou plutôt de la résistance au changement – a occupé une place centrale dans les échanges. Pour Radji Tiamiyou, les mentalités évoluent positivement. De nombreuses institutions ont déjà entamé une réflexion interne sur l’intégration du numérique. DAKFLOW, par sa démarche de co-création et ses outils accessibles, vise à faciliter cette transition. Il ne s’agit pas d’imposer un modèle, mais de co-construire avec les utilisateurs finaux des solutions qu’ils pourront réellement s’approprier.
Vers une feuille de route partagée pour une ville intelligente made in Africa
L’après-midi a donné lieu à des groupes de travail sur les besoins en données, les cas d’usage, les contraintes techniques et les options de gouvernance. Une feuille de route commune a été dessinée, intégrant à la fois les attentes institutionnelles et les réalités opérationnelles. Plusieurs acteurs ont exprimé leur volonté d’accompagner la suite du projet et de tester ses outils en situation réelle.
La journée s’est conclue sur une note d’optimisme lucide. DAKFLOW ne promet pas de révolutionner Dakar en un jour, mais il trace une voie. Une voie où l’Afrique invente ses propres réponses, en mobilisant son intelligence collective et ses talents technologiques. Comme l’a magnifiquement exprimé le parrain de l’événement, Dr Ousmane Thiam : « L’Afrique doit faire de ses défis un levier d’innovation. DAKFLOW en est la preuve vivante. » Une phrase qui résume l’esprit de cette journée et la vocation profonde du projet.