Alors que la BCEAO poursuit le déploiement de l’interopérabilité entre les services de mobile money dans l’espace UEMOA, Orange Money a récemment lancé une vaste campagne de communication autour de la « gratuité des transferts ». Une annonce qui a suscité de vives réactions dans le secteur, certains y voyant davantage une opération marketing qu’une véritable innovation. Dans un contexte où Wave continue de bousculer les équilibres et d’imposer sa vision de la simplicité, la stratégie d’Orange interroge.
Pour en parler, Le Tech Observateur a échangé avec Mika Diol, fondateur de KaliSpot, une fintech née aux États-Unis et opérant au Maroc et au Sénégal. Ancien cadre de Microsoft, Oracle et Ericsson, cet entrepreneur sénégalais passé par la Silicon Valley est aujourd’hui à la tête d’un réseau “phygital” de points de services financiers partagés en Afrique de l’Ouest, du Centre et du Nord. Avec KaliSpot, il ambitionne de rapprocher les services bancaires, fintech et mobile money des populations, dans une logique d’inclusion financière et d’accès universel.
Le Tech Observateur – Que penses-tu de la communication actuelle d’Orange Money autour de la gratuité des transferts ?
Mika Diol – Je suis un peu perplexe sur la stratégie de communication qu’a choisie Orange Money pour annoncer qu’il s’aligne à la directive et aux instructions du régulateur, dans le contexte du projet d’interopérabilité. En réalité, ils présentent cet alignement comme une nouveauté qu’ils apportent, alors que non, ils ne font que se conformer à une décision déjà imposée par le régulateur. Des acteurs comme YAS, par exemple, ont déjà appliqué cette gratuité sans chercher à la positionner comme une innovation. Eux, ils ont préféré montrer la valeur ajoutée de cette mesure, plutôt que de la présenter comme une invention.
Le Tech Observateur – Est-ce que, selon toi, Orange ne fait pas simplement qu’appliquer une décision de la BCEAO sur l’interopérabilité ?
Mika Diol – Effectivement. Il n’y a absolument rien de nouveau dans ce qu’Orange fait. C’est simplement une application d’un requis imposé par le régulateur. Sous l’angle d’analyse que j’ai, il ne s’agit donc pas d’une innovation, mais d’un alignement réglementaire.
Le Tech Observateur – Pourquoi, selon toi, les opérateurs préfèrent-ils parler “d’innovation” plutôt que d’alignement réglementaire ?
Mika Diol – Honnêtement, il faudrait être dans le secret des stratégies de communication des opérateurs pour le comprendre. Je pense que c’est avant tout un jeu de langage. Mais personnellement, je ne comprends pas cette approche, car toute personne qui connaît un minimum le secteur sait qu’il n’y a là aucune innovation initiée par les acteurs eux-mêmes. Oui, on peut parler d’innovation, mais c’est une innovation impulsée par le régulateur, pas par les opérateurs de mobile money.
Le Tech Observateur – Quelle est la différence entre l’application OMPay et l’ancienne appli Orange Money ?
Mika Diol – À mon avis, OMPay a été développée pour se positionner sur le segment où Orange avait faibli face à son concurrent Wave : la simplicité et la rapidité d’usage. Orange avait tenté une “super app” appelée Maxit, mais elle s’est transformée en un véritable cauchemar pour les utilisateurs, même les plus aguerris. C’était devenu un grand supermarché numérique. OMP vient donc corriger cela : une appli simple, rapide et claire, recentrée sur le cœur du service – payer et transférer de l’argent. Je suis d’ailleurs surpris qu’ils aient attendu aussi longtemps pour s’aligner sur ce modèle. Mais peut-être que le projet d’interopérabilité offrait un bon timing pour lancer cette nouvelle version.
Le Tech Observateur – Faut-il, selon toi, conserver l’ancienne application Orange Money ?
Mika Diol – Non, honnêtement, je pense qu’Orange devrait décommissionner l’ancienne appli. Aujourd’hui, on se retrouve avec trois applis : Maxit, Orange Money et OMPay, c’est beaucoup trop. OMPay est juste une version améliorée d’Orange Money, donc à quoi bon maintenir les deux ? Orange souffre d’un manque de clarté dans son offre applicative, là où Wave, de son côté, propose une seule appli – Wave Mobile App – simple, épurée, presque rustique, mais redoutablement efficace.
Le Tech Observateur – Est-ce que OMPay représente une vraie innovation ou juste une mise à jour technologique ?
Mika Diol – Ce n’est même pas une mise à jour technologique, à vrai dire. C’est surtout une mise à jour de l’interface graphique. Derrière, c’est le même moteur. Donc, non, ce n’est pas une innovation. C’est plutôt un rattrapage de la part de l’opérateur historique, qui essaie de combler son retard sur un terrain où Wave a déjà pris une longueur d’avance.