Alors que les violences numériques contre les femmes explosent sur les réseaux sociaux, les messageries et les plateformes en ligne, un nouveau combat s’impose : protéger les droits, la dignité et la sécurité de millions d’utilisatrices exposées à un cyberespace devenu hostile. Harcèlement, sextorsion, diffusion d’images intimes, surveillance numérique… Les attaques se multiplient, mais les réponses tardent. À l’occasion des 16 Jours d’Activisme, un livret de recommandations signé l’expert en cyberdroit Assane Sy propose une stratégie globale pour mettre fin à ces violences qui minent la liberté d’expression et empêchent les femmes de participer pleinement à la vie publique. Un appel à transformer en profondeur la culture numérique et à mobiliser institutions, plateformes et citoyens.
Un phénomène massif aux conséquences bien réelles
Les violences numériques ne sont plus un phénomène marginal. Elles constituent aujourd’hui l’une des formes les plus répandues, les moins sanctionnées et les plus déstabilisantes de violences basées sur le genre. Les réseaux sociaux, dont la vocation première est de connecter les individus, sont devenus pour de nombreuses femmes des lieux d’intimidation, de menaces, de chantage et de campagnes de haine coordonnées.
Le livret « 16 Jours d’Activisme 2025 – Mettre fin aux violences numériques » rappelle que ces agressions ont des conséquences profondes : traumatismes psychologiques, autocensure, retrait de la vie professionnelle ou militante, isolement social et, dans les cas extrêmes, mise en danger physique lorsque l’identité ou la localisation des victimes est divulguée. Il ne s’agit pas de violences virtuelles, mais d’attaques bien tangibles, dont les effets se prolongent hors ligne.
Un cadre juridique encore insuffisant face à la rapidité du numérique
Les législations existantes peinent à suivre l’évolution des pratiques numériques. De nombreuses infractions — cyberharcèlement, doxxing, diffusion d’images intimes — restent difficiles à qualifier ou à sanctionner. Les procédures judiciaires sont souvent lentes, les preuves numériques mal collectées et les forces de l’ordre insuffisamment formées pour faire face à ces formes d’agressions.
Le livret met en lumière la nécessité d’adapter en profondeur les lois et les institutions. Il appelle à définir clairement les différentes formes de violences numériques, à instaurer des sanctions dissuasives, à garantir des procédures rapides pour le retrait de contenus et à intégrer les cyberviolences dans les politiques nationales de lutte contre les violences faites aux femmes. Pour que la loi soit efficace, elle doit être repensée à la hauteur de la vitesse et de la transversalité du numérique.
Une responsabilité renforcée pour les plateformes
Les plateformes numériques occupent une place centrale dans la propagation des violences. Longtemps considérées comme de simples hébergeurs, elles sont désormais interpellées sur leur rôle dans la prévention, la modération et la protection des utilisateurs. Le livret appelle à une responsabilisation accrue : publication de rapports de transparence, modération proactive des contenus manifestement illégaux, traitement rapide des signalements, outils accessibles pour filtrer les commentaires et sécuriser les comptes.
L’enjeu est clair : permettre aux femmes de participer pleinement à la vie numérique sans avoir à renoncer à leur sécurité. Les technologies existent déjà — intelligence artificielle, reconnaissance d’images, filtres anti-harcèlement — mais nécessitent une volonté ferme des plateformes pour être déployées massivement.
Éduquer pour prévenir : transformer la culture numérique
L’un des messages forts du document est l’importance de l’éducation. La lutte contre les violences numériques commence dès l’école, avec des programmes de citoyenneté numérique, d’éducation au consentement et de sensibilisation aux dangers des stéréotypes en ligne.
Les enseignants, les professionnels de santé, les travailleurs sociaux et les juristes doivent être formés pour reconnaître et traiter efficacement les cas de violences numériques. Le livret insiste également sur la nécessité de mobiliser les hommes et les garçons, indispensables pour déconstruire les normes de masculinité toxique souvent à l’origine des violences.
C’est un travail culturel de long terme, qui dépasse les seuls outils techniques : il s’agit de transformer les comportements et d’encourager des pratiques numériques respectueuses et égalitaires.
Placer les victimes au centre de la réponse
Le livret fait un constat sans détour : trop souvent, les victimes se retrouvent seules face à des procédures complexes, à des institutions peu préparées et à des plateformes difficilement accessibles. Pour y remédier, il propose la création de centres d’aide spécialisés, de lignes d’écoute fonctionnant 24h/24 et de plateformes sécurisées permettant d’obtenir un soutien juridique, psychologique et technique.
Une attention particulière est accordée aux femmes les plus exposées — journalistes, militantes, personnalités publiques, femmes victimes de violences conjugales — qui nécessitent des mécanismes de protection spécifiques. Le livret propose également la création d’un fonds d’indemnisation financé par les plateformes pour réparer les préjudices et soutenir la reconstruction des victimes.
Un appel à la mobilisation collective
À travers ces recommandations, une idée directrice s’impose : la lutte contre les violences numériques ne peut reposer sur un seul acteur. Elle exige la coopération des États, la responsabilité des plateformes, l’implication du système éducatif, la vigilance des citoyens et l’expertise des organisations de la société civile.
Le numérique n’est pas un simple outil, mais un espace social qui doit être régulé, sécurisé et rendu accessible à toutes et à tous. Mettre fin aux violences numériques revient à garantir l’égalité de genre, la liberté d’expression et la participation pleine et entière des femmes dans la société contemporaine.
Ce livret, auquel a contribué le cyberjuriste Assane Sy, s’inscrit dans une dynamique internationale visant à bâtir un cyberespace où les femmes peuvent évoluer sans peur, sans intimidation et sans violences. Une ambition qui, pour devenir réalité, nécessite désormais un engagement collectif et durable.
Voici la contribution au complet