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Mamadou Djigo, du Fouta des traditions à l’Afrique du digital à impact

Mamadou Djigo, du Fouta des traditions à l’Afrique du digital à impact

Chez lui, le mot impact n’est pas un slogan. Il est une ligne de vie. Depuis près d’une décennie, Mamadou Djigo consacre son énergie à transformer la jeunesse africaine en force numérique active. Pièce maîtresse dans l’aventure EDACY en Afrique, ce jeune père de famille, la quarantaine tout juste révolu, a dirigé, inspiré et façonné ce laboratoire d’innovation éducative qui a formé plus de mille jeunes sur le continent, dont quatre cents déjà insérés dans le monde professionnel.

Sous son impulsion, EDACY est passé d’un simple programme de formation pour devenir aujourd’hui un véritable mouvement de transformation, un trait d’union entre talents, entreprises et communautés technologiques africaines. Des cohortes successives du programme Talent4Startups, soutenu par Digital Africa, aux ateliers intensifs de Coding et de Design, l’écosystème tech sénégalais a trouvé en ce ressortissant du Fouta un architecte silencieux et déterminé qui n’hésite pas à renforcer ses compétences ailleurs pour un give-back au bénéfice de la jeunesse. C’est ainsi qu’en 2023, Mamadou Djigo a été sélectionné parmi vingt jeunes leaders africains pour participer au programme Shaping Futures en Allemagne, initié par l’Institut allemand de développement et de la durabilité. Ce programme de leadership, axé sur la durabilité et la coopération Afrique–Europe, lui a permis de renforcer ses compétences stratégiques et son réseau international, tout en partageant sa vision d’un développement numérique éthique et inclusif pour le continent.

L’architecte silencieux du numérique africain

« La valeur d’un programme, ce n’est pas le nombre de formations, c’est le nombre de vies transformées », aime-t-il rappeler. Et des vies, le pensionnaire de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et de l’École Supérieure Polytechnique de Dakar en a transformées. Sous sa direction, des centaines de jeunes, hier chercheurs d’emploi, sont devenus développeurs, designers, chefs de produit, ingénieurs. Certains animent aujourd’hui des startups, d’autres, des communautés comme Galsen AI, la Dakar Ruby Brigade ou encore le Dakar Android User Group. Tous se souviennent de cette salle à EDACY Dakar où tout semblait possible, de ces soirées où l’on refaisait le monde autour d’un projet Open Source ou d’une idée folle. Mamadou Djigo y voyait déjà le futur de l’Afrique numérique : collaboratif, confiant et conscient de sa propre valeur.

Mais avant d’être mentor, stratège et dirigeant, l’ancien élève de Ngalandou Diouf est un homme de racines. Des racines profondes, enracinées dans le Nord du Sénégal, là où tout a commencé. Et ce parcours d’entrepreneur est forcément inspiré par une éducation stricte et exigeante, reçue de ses parents. Un père chauffeur à l’Ambassade de Palestine au Sénégal et une maman, femme au foyer, partie l’année dernière. Le jeune homme qui endosse très tôt le rôle d’ainé d’une fratrie aimante et soudée, composée majoritairement de filles, a vu le jour, comme son petit frère , à Dimat, un beau village situé dans le département de Podor.

Les racines du fleuve

Là-bas, la vie s’écoule au rythme du soleil et des saisons. L’aube y est un spectacle. Le beuglement lointain des vaches se mêle au gazouillis des oiseaux qui saluent le jour nouveau. Dans les plaines fertiles, les écoulements d’eau des canaux d’irrigation serpentent entre les champs d’oignons et de mil. Les feuilles de néré frémissent, caressées par un vent tiède venu du fleuve. On y respire la terre rouge, la promesse du labeur et la beauté du silence. C’est dans ce décor pastoral que naît, un 10 juin 1984, celui qui allait devenir l’un des visages les plus respectés de la transformation numérique africaine. Mamadou grandit dans une famille simple, soudée par l’effort et la pudeur. Le petit garçon apprend très tôt le sens de la responsabilité et de la discipline. Et déjà, sans le savoir, il incarne la maxime de Léopold Sédar Senghor, premier Président de la République du Sénégal : « L’enracinement avant l’ouverture »

En 1992, la famille doit quitter le Fouta natal pour s’installer à Ouakam, au bord de l’Atlantique, dans cette banlieue dakaroise bouillonnante d’énergie. Le petit Peul découvre alors, en terre léboue, un autre monde, celui des klaxons, des écoles bondées, du sable brûlant sous les pieds nus. Mais son esprit reste attaché à Dimat. Dans le cœur du nouvel habitant de la capitale sénégalaise, les images du Fouta demeurent vivaces : les troupeaux au loin, les champs verdoyants, les soirs de palabres autour du feu. Ces souvenirs seront, à jamais, son moteur et son ancrage dans toutes les tempêtes.

De Dimat à Dakar : le parcours d’un élève brillant

Élève brillant à l’école El Hadj Mbaye Diop, puis au CEM Mamadou Ndiaye, il se distingue par sa rigueur et sa curiosité. Son père, qui n’a pas eu la chance d’étudier, voit en lui un prolongement de ses propres rêves. En 2004, Mamadou décroche un Baccalauréat série S1, puis intègre l’Université Gaston Berger de Sanar avant de revenir à Dakar pour rejoindre l’ESP. Major de sa promotion, l’ancien Directeur général d’Edacy Sénégal sort ingénieur en conception informatique, avec déjà cette conviction chevillée au corps : la technologie doit être au service du développement et pas l’inverse !

Le parcours professionnel de celui que les collègues appellent affectueusement Djigo débute chez Sopartech, puis s’enracine chez Neticoa Sénégal, où il passe sept années déterminantes. D’abord développeur, puis Chef de projet et enfin Directeur des projets et de la formation, il pilote plusieurs initiatives majeures : la mise en place du système d’information hospitalier français SIB, la modernisation des plateformes administratives publiques, la digitalisation de services sociaux à l’ADIE, devenue Sénégal Numérique SA. Ces années forment en lui une vision claire : la technologie, sans l’humain, n’est qu’un mirage.

Le bâtisseur de ponts

En 2017, l’aventure EDACY commence. Au départ, simple mentor représentant son entreprise, Mamadou est rapidement séduit par la philosophie du projet : apprendre en pratiquant, développer autant le savoir-être que le savoir-faire. C’est alors qu’il rejoint l’équipe dirigeante, puis prend la direction de l’entité sénégalaise. Visionnaire, il place la formation appliquée au cœur du modèle : des jeunes formés, encadrés puis, insérés. Le succès est immédiat. Les Etats, les bailleurs, les startups s’y intéressent. Les programmes s’enchaînent : Talent4Startups, Digital Foundations avec le Diwan Royal Court du Sultanat d’Oman, où il pilote un projet de formation de 10.000 fonctionnaires, puis l’Éthiopie, la Sierra Leone et le Rwanda. À chaque étape, Mamadou Djigo bâtit des ponts entre continents, prouvant que le numérique est avant tout un langage universel.

En 2021, il co-fonde Kaikai SAS dont il devient associé et Directeur Général, un cabinet de conseil en innovation et transformation digitale. Basée à Dakar, l’entreprise accompagne des projets structurants dans la santé, l’éducation, l’agriculture, l’environnement et les services publics. Sous sa direction, Kaikai devient un acteur clé de la digitalisation en Afrique, intervenant au Nigeria, au Rwanda, au Cameroun ou encore au Burkina Faso. Cet entrepreneur courageux et persévérant insuffle la même exigence que chez EDACY : le sens, l’impact, l’efficacité.

L’héritier du fleuve

Plus qu’un ingénieur, le Foutanké est un véritable bâtisseur de ponts entre le Nord et le Sud, entre la technique et la pédagogie. Membre actif de l’Organisation des professionnels des TIC (OPTIC) du Sénégal et du CJD, fondateur de l’association AIDUKA qui œuvre pour l’éducation en milieu rural, il reste profondément ancré dans son terroir. Quand il retourne à Dimat, il retrouve ce silence plein de promesses, le murmure du fleuve sans jamais oublier, bien sûr, le regard fier des anciens, convaincu que c’est là, dans la terre du Fouta, que naît la force tranquille qui guide ses pas. Et si l’Afrique numérique avance aujourd’hui avec confiance, c’est aussi grâce à des hommes comme lui, des héritiers du fleuve, des ingénieurs de l’espoir, qui savent que la lumière du progrès n’a de sens que si elle éclaire d’abord les siens.

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