Il existe, dans l’écosystème numérique africain, des figures dont la discrétion contraste avec la profondeur du travail accompli. Des experts qui, loin du bruit et des postures, construisent patiemment les fondations intellectuelles, techniques et institutionnelles d’un secteur en perpétuelle mutation. Le Dr Isaac Sissokho fait indéniablement partie de ces voix rares. Depuis plus de vingt ans, il observe, décortique, conseille et accompagne les transformations numériques du continent, avec une rigueur exemplaire et une humilité presque déroutante.
Lorsqu’il vous dédicace son ouvrage, ce n’est pas seulement une signature sur une page : c’est une invitation à entrer dans une pensée structurée, nourrie par l’expérience, façonnée par le terrain et éclairée par une vision stratégique à long terme. À l’orée de 2026, ce livre apparaît comme un cadeau précieux — un outil de compréhension, un jalon documentaire, une boussole pour celles et ceux qui s’intéressent à la régulation, à la souveraineté numérique et à l’avenir technologique de l’Afrique.
Un expert qui oeuvre depuis deux décennies au cœur du système
Le Dr Sissokho n’est pas un commentateur extérieur du numérique : il en est un acteur central, témoin direct des réformes, des avancées, des crises et des virages stratégiques qui ont façonné les télécoms et la gouvernance numérique au Sénégal. Son parcours l’a conduit successivement à l’ARTP, à des missions de conseil internationales, à l’enseignement, puis à la coordination de grands chantiers nationaux. Ce mélange de théorie et de pratique lui confère un regard que peu d’experts peuvent revendiquer : celui de quelqu’un qui a vu, vécu, expérimenté et compris.
C’est cette profondeur qui rend ses interventions en panels, en conférences, dans les évènements de haut niveau ou dans les ouvrages spécialisés si précieuses. Il partage sans retenue, clarifie sans simplifier, éclaire sans imposer. Un sachant, un vrai. De ceux dont l’expertise inspire confiance parce qu’elle ne cherche jamais à se mettre en scène.
Un ouvrage qui comble un vide documentaire essentiel
Présenté à Dakar le 29 novembre 2025, le livre du Dr Sissokho vient répondre à un manque majeur dans le paysage intellectuel africain : l’absence de documentation endogène sur la régulation du numérique. Trop souvent, les analyses, recommandations ou cadres de référence proviennent d’experts internationaux, parfois déconnectés des réalités institutionnelles, économiques ou culturelles du terrain.
L’auteur renverse cette logique en s’appuyant sur l’expérience sénégalaise — non pour en faire un modèle universel, mais pour enrichir la pluralité des perspectives. Il part d’un constat lucide : de nombreuses réformes ambitieuses échouent non parce qu’elles sont mauvaises, mais parce qu’elles ignorent les spécificités locales. Cette idée traverse tout l’ouvrage et structure une réflexion qui place l’Afrique au centre de sa propre histoire numérique.
La régulation anticipative : penser avant d’agir
L’une des contributions majeures du livre réside dans la formulation d’un concept clé : la régulation anticipative. Dans un secteur où les cycles d’innovation se réduisent à grande vitesse — intelligence artificielle, blockchain, objets connectés, plateformes numériques —, il ne suffit plus de réguler a posteriori. Les États doivent désormais prévoir, anticiper, orienter.
Cette régulation anticipative propose d’articuler les approches ex ante (préventive) et ex post (corrective), afin d’offrir un cadre flexible capable de s’adapter à la nature et au rythme des innovations. C’est une vision moderne, en phase avec la réalité d’un secteur où la technologie dépasse souvent la capacité du droit à suivre.
Une lecture géopolitique lucide de la “guerre froide numérique”
L’auteur ne se limite pas aux questions techniques. Il plonge également au cœur des enjeux géopolitiques qui redéfinissent l’équilibre mondial. Le numérique, rappelle-t-il, est devenu un champ de rivalité stratégique entre grandes puissances. Les géants américains et chinois se livrent à une forme de “guerre froide numérique” dans laquelle l’Afrique risque d’être spectatrice si elle ne définit pas ses propres choix souverains.
À travers l’exemple de la crise d’AFRINIC et de l’affaire Cloud Innovation, le Dr Sissokho met en lumière les vulnérabilités structurelles des gouvernances africaines et les risques de dépendance technologique. Il n’hésite pas à parler de “colonialisme numérique contemporain”, concept fort mais terriblement juste face aux rapports de force observés.
Une troisième voie africaine : souveraine, solidaire et adaptée
Face aux modèles libéral américain et dirigiste chinois, l’ouvrage défend ce que l’auteur appelle une troisième voie africaine : une approche de la gouvernance numérique fondée sur la solidarité, le consensus, le bien commun et l’adaptation aux réalités locales. Une voie qui place l’Afrique non plus comme marché, mais comme acteur, producteur de normes, de valeurs et de cadres de régulation.
Cette proposition n’est pas théorique. Elle s’appuie sur des observations de terrain, des entretiens poussés avec opérateurs, institutions publiques, experts internationaux et associations de consommateurs. La méthodologie qualitative adoptée permet de saisir les nuances, les tensions et les logiques invisibles qui structurent la régulation.
Des propositions concrètes pour l’avenir
L’ouvrage ne se contente pas de diagnostiquer : il propose. Parmi les recommandations phares, on retrouve :
– la modernisation des mécanismes d’incitation au déploiement d’infrastructures,
– la réingénierie du service universel à l’ère des réseaux convergents,
– la refonte de la fiscalité adaptée à l’économie numérique,
– la nécessité d’une gouvernance plus agile, plus anticipative et plus souveraine.
Ces pistes ne sont pas des slogans : elles découlent directement de deux décennies d’observation active du terrain.
Un livre indispensable pour comprendre l’avenir numérique du continent
En conclusion, le Dr Isaac Sissokho rappelle que tout ouvrage sur un secteur aussi mouvant court le risque d’obsolescence. Mais loin de s’en excuser, il en fait une force : son livre est une étape, un socle, un matériau de réflexion destiné à être actualisé, débattu, enrichi. C’est précisément ce qui le rend si précieux.
Alors que l’Afrique cherche à définir sa place dans l’architecture numérique mondiale, ce travail s’impose comme une référence. Un livre qui explique, éclaire et met en perspective. Un livre qui manquait. Un livre qui compte.
Et pour ceux qui ont la chance de le lire, un livre qui donne envie d’agir.
