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Karim Ndiaye : Des centrales solaires à la connectivité, le parcours passionnant du bâtisseur d’Helios Sénégal

Karim Ndiaye : Des centrales solaires à la connectivité, le parcours passionnant du bâtisseur d’Helios Sénégal

Kasnack, Kaolack, 1977. La connectivité n’est pas un sujet. Elle n’existe pratiquement pas. Le téléphone est rare, l’information circule lentement, et le centre du Sénégal vit encore à distance des grands flux technologiques. Le pays traverse les années d’ajustement structurel, période de restrictions économiques et d’investissements limités dans les infrastructures. Grandir dans cet environnement, c’est apprendre la patience, l’attente, mais aussi la valeur de ce qui manque.

Et c’est dans ce contexte que Karim Ndiaye voit le jour, un certain 20 octobre 1977, dans une famille soudée, portée par une maman, aimante et attachante, et un père, rigoureux, cadre à la SENELEC. Des décennies plus tard, l’enfant du Saloum se retrouvera à poser, presque à partir d’une feuille blanche, les fondements du premier opérateur d’infrastructures télécoms du Sénégal. La trajectoire est saisissante. Elle raconte une continuité silencieuse entre une enfance marquée par l’absence de réseau et une vie professionnelle consacrée à rendre la connectivité possible, fiable et durable. Chez ce passionné de télécommunications, la mission ne naît pas d’un concept abstrait, mais d’une réalité vécue.

Aîné d’une fratrie de six enfants, l’ancien Président du Conseil patronal des énergies renouvelables du Sénégal, grandit très tôt avec le poids de l’exemplarité. En Afrique, ce rôle n’est jamais neutre. Il impose une responsabilité morale, une retenue, une capacité à porter sans bruit. Cette posture s’ancrera durablement dans sa manière d’être et de diriger : peu de mots, beaucoup d’actes, et un sens aigu du collectif.

Helios Towers Sénégal, construire ce qui n’existait pas

Le 1er mars 2021, Karim Ndiaye prend ses fonctions de Directeur général de Helios Towers Sénégal. Le contexte est inédit. La pandémie de Covid-19 est encore là, les déplacements sont limités, les équipes dispersées, et l’entreprise n’existe pas encore réellement dans le paysage national. Tout est à bâtir : l’organisation, la culture, les process, et surtout la crédibilité institutionnelle, incarnée par l’obtention de la licence du régulateur.

En moins de deux mois, le pari est tenu. Deux mois plus tard, la licence est délivrée, déclenchant le closing financier et le démarrage officiel de l’activité. Le Sénégal devient alors la première filiale du groupe Helios à être opérationnelle après son introduction en bourse, en pleine crise mondiale. Un signal fort, à la fois pour le groupe et pour l’écosystème local.

Sous la direction de l’enfant de Kaolack, Helios Towers Sénégal se structure méthodiquement. Le portefeuille de sites passe de 1.220 à près de 1.500, avec une priorité assumée pour les zones rurales et les zones blanches, là où la connectivité n’est pas seulement un confort, mais un levier d’inclusion économique et sociale. La performance énergétique progresse de manière continue, jusqu’à atteindre, en mai 2025, un record historique pour le groupe : zéro seconde d’indisponibilité en moyenne par tour et par semaine.

À Dakar, il dirige une équipe d’environ 50 personnes, dont une dizaine en direct. Mais pour lui, la taille d’une équipe importe moins que son impact. C’est alors que Monsieur Ndiaye met en place une culture fondée sur l’exigence, la transparence et le développement des talents. Il investit dans la formation, encourage la prise d’initiative et refuse toute concession sur la qualité. La nomination de la première directrice générale issue du vivier interne, après un parcours structuré de développement, incarne pleinement cette vision. Pour Karim, un dirigeant se mesure à sa capacité à préparer ce qui lui survivra.

L’énergie comme fondation, les télécoms comme prolongement naturel

Le leadership du nouveau Monsieur Talent et Partenariats du Groupe Helios dans les télécommunications trouve ses racines profondes dans son parcours dans le secteur de l’énergie. Une passion autant qu’une expertise. Il en est convaincu : sans énergie, il n’y a pas de télécommunications. Pas de réseau fiable, pas de continuité de service, pas de qualité d’expérience pour les utilisateurs.

Chez Matforce, il découvre très tôt la rigueur industrielle, la logistique lourde et les contraintes liées aux équipements énergétiques. Mais c’est en travaillant pour Aggreko que cette relation à l’énergie devient plus structurante. Karim Ndiaye y démarre comme Directeur Supply Chain avant d’être promu, six mois plus tard, Directeur Projets pour la région North West Africa et South East Europe.

Il pilote alors des projets énergétiques d’urgence en Côte d’Ivoire, au Cameroun et dans plusieurs pays de la sous-région, dans des contextes de forte pression où les délais sont courts et les marges d’erreur inexistantes. Pendant près de cinq ans, le jeune Sénégalais contribue au déploiement de près de 1.000 MW de capacités énergétiques. Cette période forge chez lui une obsession de la disponibilité, de la fiabilité et de la performance, des principes qu’il transposera naturellement dans les télécoms.

Ce grand passionné d’arts martiaux poursuit ensuite chez Man Energy Solutions comme Directeur commercial Power pendant deux ans, consolidant sa compréhension des marchés industriels et miniers. Puis chez Meridiam, où il occupe pendant cinq ans le poste de Directeur des Investissements. Il y pilote des projets structurants pour le Sénégal, notamment les centrales solaires de Santhiou Mékhé et Ten Merina, ainsi que celles du programme Scaling Solar de la Banque mondiale à Kahone et Kael. Ces projets contribuent de manière significative à la montée en puissance des énergies renouvelables dans le mix énergétique national.

Pour Karim Ndiaye, le passage de l’énergie aux télécoms n’est donc pas une reconversion, mais une continuité logique. La tour télécom est une infrastructure critique, au même titre qu’une centrale électrique. Sa performance repose d’abord sur la qualité de l’énergie qui l’alimente, explique l’ancien pensionnaire de la London Business School dont le quotidien est désormais partagé entre Dakar, Londres et Dubai.

Grandir à Dakar, apprendre à relier les réalités

Après Kaolack, la famille Ndiaye s’installe donc à Dakar. Karim grandit à Pikine a la Cité Lobatt Fall, un quartier situé dans une zone de frottement social permanent, entre la Cité Sotiba, Pikine rue 10 et le marché Seras, en plein coeur de la banlieue dakaroise. Ce n’est pas un simple lieu de résidence, mais un véritable laboratoire humain où les trajectoires se croisent et les différences sociales se voient à ciel ouvert.

Dans ce décor urbain dense, Karim apprend très tôt à observer avant de parler, à comprendre avant de juger. Il voit cohabiter des familles structurées et des jeunes livrés à eux-mêmes, des parcours balisés et des chemins cabossés. Cette proximité avec des réalités multiples forge une lucidité rare. Il comprend que la réussite n’est jamais uniquement individuelle, qu’elle dépend aussi de l’environnement, des opportunités, des rencontres.

Son parcours scolaire s’inscrit dans cette même logique de rigueur tranquille. École primaire au Collège de la Cathédrale, puis CEM Kléber, avant le lycée Lamine Guèye et l’institut Ste Jeanne d’Arc Post Bac, avant de s’envoler pour Paris pour y decrocher un master en gestion. Karim Ndiaye n’est pas l’élève qui cherche à se faire remarquer. Il est constant, appliqué, sérieux. Celui à qui l’on confie des responsabilités parce qu’il inspire naturellement confiance. Ces années consolident chez lui une discipline personnelle et une capacité de travail qui deviendront des marqueurs forts de sa trajectoire professionnelle.

Mais l’essentiel de l’apprentissage se fait aussi hors des salles de classe. Dans le quartier, dans les échanges informels, dans l’observation des mécanismes sociaux. Karim développe une intelligence relationnelle qui lui permettra plus tard de dialoguer avec des ingénieurs comme avec des régulateurs, des investisseurs internationaux comme des techniciens de terrain. Cette capacité à relier les réalités, acquise très tôt à Dakar, deviendra l’une de ses signatures managériales.

1,90 mètre, le basketball comme école de vie

Avec son 1,90 mètre, Karim Ndiaye trouve naturellement sa place sur les terrains de basketball. Marqué par Michael Jordan et la Dream Team de 1992, il nourrit, comme beaucoup de jeunes de sa génération, le rêve de devenir basketteur professionnel. Le basketball devient alors bien plus qu’un sport. C’est un cadre, une école, une discipline. Sur le terrain, il apprend la rigueur, l’effort, la gestion de la pression. Il comprend très tôt que le talent individuel ne suffit pas et que la victoire passe par le collectif et par la capacité à lire le jeu et à faire confiance aux autres. Cette culture du jeu d’équipe s’imprime durablement en lui.

Aujourd’hui encore, Karim joue régulièrement. Et dans sa manière de diriger, l’influence du basketball est manifeste. Il valorise le collectif, encourage la circulation de l’information, accepte de passer la balle pour faire grandir l’équipe. Il sait quand prendre ses responsabilités et quand laisser les autres s’exprimer. Un leadership sans éclat inutile, mais d’une efficacité redoutable.

Du manque initial à la mission de connecter

Il existe une cohérence profonde dans le parcours de Karim Ndiaye. L’enfant né dans un quartier reculé du centre du Sénégal, dans un contexte de quasi-absence de connectivité, devient l’homme qui contribue à connecter des territoires entiers. Celui qui a appris à sécuriser l’énergie devient celui qui garantit la disponibilité des réseaux télécoms.

Aujourd’hui, au niveau du groupe Helios, Karim Ndiaye consacre l’essentiel de son action au développement des talents et à l’excellence des partenariats. Son équipe est volontairement réduite, car son ambition n’est pas de gérer des effectifs, mais de maximiser l’impact. Il œuvre à structurer des leaders capables de porter, demain, les grandes infrastructures énergétiques et télécoms du continent.

De Kaznak à Kaolack aux grandes capitales du monde, son parcours raconte une vérité simple et exigeante : les infrastructures ne sont jamais neutres. Elles sont le prolongement d’histoires personnelles, de manques vécus et de convictions forgées dans le temps. Et lorsque ces infrastructures sont pensées avec rigueur, humilité et sens du collectif, elles deviennent de puissants leviers de transformation durable.

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